surgeetambula Marc KOLANI

ET SI NOUS PARLIONS UN PEU DE L’ORIGINE DE LA CREATION CHEZ LES MOBA

Chez les Moba, un peuple septentrional du Togo, la sagesse fait, volontiers, appel aux contes et aux légendes pour expliquer le commencement du monde et son organisation. Il y est unanimement partagé que c’est Yendu, le Dieu suprême qui en est l’auteur et le divin organisateur. Qu’en est-il au juste ?

 

1-    L’auteur

        Chez les Moba, le soubassement de la foi est la reconnaissance d’un être suprême qui a créé tous les univers, tant visibles qu’invisibles : Yendu. Il a tout créé et organisé ; mais il est toujours à l’œuvre pour faire vivre, garder, protéger et organiser toute vie. Les Moba trouvent la main de Yendu dans tout ce qui arrive, que ce soit d’heur ou de malheur. Son omnipotence et son omniscience font que personne, qui qu’il soit, ne saurait prétendre lui égaler. Parmi les thèses qui authentifient l’acte créateur de Yendu, il est sans nul doute important de retenir celles-ci, combien expressives parmi tant d’autres :

 

  • Dieu, confessé comme propriétaire du monde

        Etymologiquement, le mot Yendu dérive de deux mots moba bien connus. Il s’agit du verbe « yen » et du substantif « duo ». « Yen » traduit le verbe posséder et « duo », l’univers ou le monde. Composés, ces deux mots deviennent « yen duo » et signifient « possède le monde ». C’est donc « yen duo » qui est devenu par transformations d’usage « Yendu ». Par conséquent, Yendu veut dire celui à qui appartient le monde. Autrement, à partir de l’appellation même se dégage la place de Dieu par rapport au reste du monde : il en est le maître, le possesseur, le propriétaire.

 

  • Créer, comme l’apanage exclusif de Dieu

        Les Moba utilisent exclusivement le verbe « tag » qui veut dire « créer » pour désigner l’action de Dieu. Autrement, ils distinguent nettement le verbe créer de inventer qui, lui, a rapport à l’activité humaine. En effet, pour parler de l’œuvre de l’homme, quelle que soit son originalité, sa finesse et son importance, ils utilisent le verbe « nan » qui littéralement veut dire « dessiner ». Pour eux, tout ce que font les hommes n’est qu’une imitation de ce que Dieu a créé. L’homme ne fait que copier d’une manière ou d’une autre la création; il ne peut pas créer ; il invente, il imite. Le fossé qui existe entre créer et inventer ou imiter, entre créateur et inventeur ou imitateur, voilà qui constitue l’abîme qui sépare inexorablement Dieu de l’homme, le créateur de la créature.

 

  • Les attributs de Dieu :

        Bien des expressions et d’appellations sont utilisées à longueur de journée et dans toute la vie des Moba qui montrent clairement la transcendance de Dieu par rapport à la création à laquelle il a daigné donner la vie. C’est ainsi que pour l’invoquer, on dit généralement « Yendu-Tagtua » ce qui veut dire « Dieu créateur ». Pour ainsi dire, c’est Dieu qui crée ; et pour s’en tenir à la grammaire avec laquelle cette expression a été composée, il convient de reconnaître que c’est lui et lui seul qui crée. De ce fait,il n’est pas dit "Dieu un créateur" ce qui impliquerait des coéquipiers ou des collaborateurs ou encore d’autres créateurs à la stature de Dieu ; mais il s’agit de "le créateur" au sens exclusif. Une autre appellation revient aussi bien dans les conversations que dans les contes, les proverbes et même dans les noms théophores et a pour but de montrer la transcendance de Yendu : «  gmancié Yendu ». Littéralement, cette formulesignifie « qui dépasse Dieu ? ». En effet, Dieu est si grand et si important qu’en rien l’homme ne pourra se faire passer pour son égal. Pour dire qu’il continue à créer, à gouverner et à organiser le monde, les Moba disent : « Yendu be », ce qui veut dire, « Dieu est là ». Ils reconnaissent la main de Dieu dans tous les événements, dans toutes les situations et lui en attribuent la direction : c’est ainsi qu’ils disent «  L be Yendu po » pour dire que « tout dépend de Dieu ». Ils savent également que même quand il n’y a plus de lueur d’espoir pour l’homme, Dieu, lui, peut toujours faire pirouetter la situation. Et pour l’exprimer, ils disent « Yendu n bu ηanm », c’est-à-dire « c’est Dieu qui saura palier ».

 

  • La place prépondérante de Dieu dans les sacrifices :

        Il est certes vrai que les sacrifices qu’offrent les Moba, soit pour faire des requêtes, soit pour rendre grâce, soit encore pour conjurer quelque mal, sont destinés directement aux ancêtres. Mais ceux-ci ne sont que les média. Les prières qui les accompagnent sont adressées à Dieu avec qui on rentre en contact par la médiation des parents. Cependant, la première personne à qui le sacrificateur fait référence est d’abord Dieu. En fait, le sens même du sacrifice c’est d’appeler Dieu pour lui soumettre des problèmes existentiels dans le but qu’il juge en faveur de ceux qui sont dans un quelconque besoin et qui viennent l’invoquer. Le ministre en chef du sacrifice l’appelle donc par son nom et lui signifie clairement qu’il est inaccessible à l’homme, que celui-ci est indigne de lui adresser directement des offrandes. Aussi, ajoute-t-il, sans intermède, qu’il sait tout de même que malgré l’insignifiance de l’homme, il trouvera grâce par l’intercession des ancêtres. Bref, dans tout sacrifice, les Moba invoquent Dieu en premier lieu afin de lui rendre hommage et remettre dans ses mains toute les créatures.

        Pour dire bref, dans la mentalité moba, c’est Yendu, Dieu suprême qui a tout créé, gouverne et organise tout ce qui existe tant dans le visible que dans l’invisible. Seulement, il est au-delà de tout créé ; il ne se laisse ni voir ni approcher ni entendre ni toucher par nul homme ; à tel enseigne que, pour entrer en contact avec lui, l’homme doit passer par des intermédiaires. Ainsi, les Moba peuples l’univers invisibles d’une multitude d’êtres spirituels qui leur servent de ponts pour accéder à Dieu. Parlons-en !

 

2-    Les intermédiaires

        En fait d’intermédiaires, on en distingue deux types : les visibles et les invisibles.

En parler dans le contexte de la création revient à insister sur le rôle qui est le leur. Et pour embrasser la question dans sa totalité, nous appréhenderons donc ces entités aussi bien au moment de la création que dans le gouvernement du monde.

 

2.1- L’absence des intermédiaires dans l’acte créateur.

        Aussi vrai que l’objet fabriqué ne peut en aucun cas être le collaborateur de celui qui le façonne, les intermédiaires n’ont pu intervenir dans l’acte créateur. Il s’agit là d’une vérité de La palisse car, elle est plus qu’évidente. En effet, nous l’avons dit plus haut, c’est Dieu qui a tout créé ; les mondes visibles comme ceux invisibles. Les mondes invisibles constituent la patrie des intermédiaires qui sont des entités spirituelles. Ils sont des créatures comme l’homme, le bœuf, la fourmi, la pierre, le vent, la lumière et tout ce que Dieu a façonné. Seulement, il y a une différence de nature et de perfection entre les médiateurs, les hommes, les animaux et les êtres inanimés.

        Dans la mentalité moba, c’est Yendu et lui seul qui a tout réalisé, sans l’aide de qui que ce soit. Des formules des prières sacrificielles illustrent bien cette conviction. Une d’entre elles affirme, en effet : « cette terre que nous habitons, nous l’avons héritée ; nous n’en connaissons de propriétaire que toi ». Une autre s’exclame comme pour corroborer la précédente : «Toi le premier, tu as tout créé ». Nous lisons dans ces affirmations que Dieu est le premier de tout ce qui est ; qu’il est avant toute chose et que personne ne saurait situer son commencement, s’il en est un. Nous lisons également qu’avant lui, rien n’existait, ni les êtres invisibles ni les visibles. Comme la tradition chrétienne l’enseigne aux siens, dans la mentalité moba aussi, Dieu est l’alfa, c’est-à-dire le commencement. Mais il n’est pas que principe ; il est aussi la fin. C’est ce qu’insinue l’attribut « Yendu sasenkpel ». Littéralement, cela signifie « Dieu, le jeune ancien ». Par-là, la sagesse moba professe que Dieu est enfant, réalité qui renvoie au début de la vie humaine et en même temps, il est ancien, la dernière étape de l’existence humaine. Être jeune et ancien en même temps véhicule un message ; l’idée d’une personne qui ne vieillit pas. Ainsi, Dieu est le commencement et la fin, l’Alfa et l’Oméga.

On s’aperçoit donc sans trop de difficultés qu’aucun être, les intermédiaires compris, n’est intervenu dans la création. La raison, nous l’avons souligné, c’est que la créature demeure créature et c’est le créateur qui la pense, la façonne et la modèle selon son goût et lui assigne une fin. Les intermédiaires, étant des créatures ne pouvaient donc pas participer à l’acte créateur. Cependant, lorsque, nous allons sur le terrain du gouvernement de la création, la tradition moba leur réserve un rôle prépondérant. Ils ne sont pas des dieux, mais aident le bon Dieu dans son gouvernement.

 

2.2- Les intermédiaires dans le gouvernement de la création

2.2.1- Les intermédiaires invisibles

        Il s’agit des esprits, des génies et des ancêtres. En fonction des rôles qu’ils jouent et de leur nature, ces intermédiaires peuvent être répartis en deux catégories : les esprits et les génies d’un côté, les ancêtres, de l’autre.

  • Les esprits et les génies sont des êtres spirituels qui habitent les lieux déserts, les eaux et les forêts. De par leur nature ils sont invisibles, supra-subtiles et insaisissables. Doués de pouvoirs à la fois maléfiques et bénéfiques, ils viennent après Dieu dans l’ordre de puissance. Perçus donc comme moindres que Dieu, mais plus puissants que tous les autres intermédiaires tant visibles qu’invisibles, ils agissent sur les hommes en les possédant, en leur transmettant des pouvoirs. Ils font de leurs hôtes des devins. Leur part dans le gouvernement du monde c’est de révéler aux hommes par possession certaines connaissances tenues secrètes.
  • Les ancêtres : en termes de puissance, ils viennent après les esprits et les génies. Il s’agit des morts que la société juge bons et a élevés à ce rang par des cérémonies consécratoires. Ils communiquent avec les hommes dans les rêves et par le truchement des devins. Ils sont censés transmettre la volonté de Dieu aux hommes, leur prédire les événements heureux comme malheureux, montrer les voies et moyens pour conjurer les malheurs imminents. Véritables intermédiaires donc entre Dieu et les hommes, ils prescrivent à ces derniers ce qu’il faut faire pour avoir la bienveillance de Yendu. Ils obtiennent à leurs descendants la vie, la santé, la progéniture, les biens matériels, etc. Leur rôle donc, dans le gouvernement du monde est d’être les accompagnateurs, les protecteurs, les intercesseurs et les guides de leurs descendants.

 

2.2.2- Les intermédiaires visibles

        Pour parler des intermédiaires visibles, nous quittons le monde invisible pour celui visible. Après ces entités invisibles donc, ce sont les devins qui jouent le rôle de médiation au rang des hommes. Ils sont supposés entrer en contact avec les ancêtres, les esprits et les génies pour révéler des vérités qui échappent au commun des mortels. Leurs paroles doivent être respectées à la lettre car ils sont les seuls à avoir accès au monde invisible. Ils sont dépositaires de ce pouvoir de façon innée ou par des techniques d’acquisition. Dans l’aire culturelle moba, on distingue trois sortes de devins : les "dénoueurs" de cordelettes, les médiums et les batteurs de sables.

  • Les dénoueurs de cordelettes : comme leur nom l’indique, ils se servent de cordelettes dont ils interprètent les enchevêtrements après qu’ils les ont manipulées. Les différentes configurations sont autant de messages à décrypter. Leur part de médiation réside dans le fait qu’ils sollicitent l’oracle des puissances invisibles et les transmettent aux consultants.
  • Les médiums : ce sont ces devins qui entrent dans un état de conscience modifiée permettant une activité psychique sortant de l’ordinaire. Une fois en transe, ils communiquent directement avec les êtres spirituels. Ces derniers leurs révèlent les réalités du monde invisible à transmettre au consultant ou à toute la communauté.
  • Les batteurs de sable : ils ont pour matériels de divination le sable et les cauris. Cette technique consiste à jeter les cauris sur le sable et à partir de la position de ces dernières interpréter les événements ou prédire l’avenir. A la différence des dénoueurs de cordelettes et des médiums, les batteurs de sable ne communiquent avec aucune puissance invisible. Ils se servent de la vertu et des techniques qui, néanmoins leur sont données par des puissances invisibles.

 

3-    L’ambiance originelle

        A travers contes et mythes, les Moba se transmettent de générations en générations des notions sur l’acte créateur, l’état originel de la création et les mutations qui y sont survenues ainsi que les causes des aléas et des événements malheureux.

  • A l’origine, Yendu créa seulement le monde visible. Et pour son peuplement, il forma d’abord "Talgbat" c’est-à-dire l’aigrette, avant même la création de la terre. (Talgbat est un oiseau qui porte une touffe de poils sur sa tête. La tradition moba dit qu’il s’agit de la tombe de sa mère qu’elle porte là. En effet, créé avant l’existence de la terre, lorsque sa mère vint à mourir, il n’y avait point d’endroit où l’inhumer. Alors, il se fit un trou sur la tête et enterra son ascendant). C’est après lui qu’il façonna ensuite le caméléon auquel il a chargé d’inspecter la consistance de la terre dès que cette dernière vint au jour (si le caméléon marche à pas hésitante, il n’en était pas ainsi à la création. Créé avant que la terre ne soit, lorsque Dieu façonna la terre, quelques instant plus tard, il envoya le caméléon vérifier si la terre était consistante, si elle était sèche. Et comme elle était encore molle à bien des endroits, il lui fallait marcher prudemment pour ne pas s’embourber. Voilà pourquoi  jusqu’aujourd’hui il continue à se déplacer ainsi). Puis il créa la terre, le ciel, les eaux et les peupla chacun de ses habitants. Sur la terre, il termina par la création de l’éléphant qu’il a dû fabriquer à partir de la chair prélevée à tous les autres animaux dont l’homme.
  • Il y avait donc plusieurs peuplements, selon que les êtres habitent les eaux ou la terre ferme ou encore dans le ciel. Parmi les animaux de la terre, Yendu, le voulut certains en compagnie avec l’homme, c’est-à-dire à la maison, et d’autres en brousse. Il les voulut aussi plus nombreux en brousse qu’à la maison. Tous les animaux, qu’ils soient domestiques ou sauvages, terrestres ou aquatiques, étaient au service de l’homme et ne s’inquiétaient de rien en sa présence. Toutes les créatures, l’homme, les animaux, les arbres, les créatures inertes, possédaient le langage parlé. Elles se comprenaient entre elles si bien que la collaboration demeurait sans faille. La seule propriété qui les distinguait de façon radicale était l’assujettissement à la mort : alors que l’homme était immortel, les animaux, eux, devaient mourir, mais, chacun en son temps et rassasiés de longs et heureux jours.

        En ce qui concerne les saisons et le climat, tout concourait au bien de la création. Le monde jouissait d’un beau temps ; le soleil était doux ; la lune et les étoiles brillaient et éclairaient les nuits ; elles permettaient des rêveries de bonheur et favorisaient les déplacements nocturnes ; il pleuvait fréquemment et la terre produisait les fruits de toutes espèces, de tous les goûts et de toutes couleurs. De l’homme aux animaux, chacun mangeait à satiété et buvait à sa soif : l’homme se nourrissait de morceaux de nuages, parce que le ciel était à portée de sa main, et les animaux, d’herbe. Personne ne s’inquiétait du lendemain. En bref, la création était parfaite ; la vie était belle, paradisiaque.

  • Vers des mutations irrévocables: cette situation de perfection n’allait point durer longtemps. D’une part, du rang des hommes, naquit très tôt de la jalousie avec toutes les conséquences qu’elle draine. D’autre part, certains animaux n’acceptèrent pas la discrimination que Dieu avait établie en faveur de l’homme. Certains se disaient « pourquoi c’est lui qui doit être le maître de tous, quoi qu’il ne soit pas le plus fort » ? D’autres s’interrogeaient, « pourquoi l’homme est-il, lui, immortel, alors que nous autres nous mourrons » ? D’autres encore n’épousaient pas la destination de tous les animaux à être herbivores. Et comme les récrimination insistaient et persistaient, l’homme en vint à en avoir marre. Il avisa et décida d’en parler à Dieu. Et voici les récits des légendes qui racontent le dénouement des premières difficultés au sein de la création.

 

  • Les changements proprement dits :

           la première mutation concerne le climat et les saisons. Les hommes s’étaient multipliés et devenaient de plus en plus nombreux. Aussi, les femmes, pour des raisons voulues de Dieu, étaient-elles plus nombreuses que les hommes. Pour que chacune d’elle trouve un époux, il a fallu que des hommes en épousent plusieurs. Mais les femmes sont de nature égoïstes, et c’est là leur moindre défaut. Alors qu’elles se servaient toutes des morceaux de nuages pour nourrir leurs familles, une en vint à jalouser ses coépouses. Elle transgressa la loi de la cueillette qui proscrivait formellement qu’on préparât les "vivres célestes" avec de la potasse. En effet, s’étant servie la première, et ayant fait une importante provision, elle cuisina avec de la potasse. Cela irrita Dieu qui fit reculer le ciel à une distance indescriptible. Désormais, le ciel devint inaccessible à l’homme. A l’instant même, l’homme perdit toutes les faveurs de sa condition originelle. Aussi, les pluies devinrent rares, la sécheresse s’installa et beaucoup de points d’eau tarirent occasionnant la mort de beaucoup d’animaux aquatiques. Elles devinrent saisonnières et l’homme se vit obligé de travailler la terre pour faire des provisions en vue de subsister en temps de soudure. Les choses avaient changé, mais ce n’était que le commencement des déboires du monde. Car, d’autres plus drastiques, ne tardèrent pas à se déferler.

           Le second changement qui donna un coup de grâce à l’Eldorado naquit du fait que les positions étaient tout aussi mitigées que passionnées quant au fait que l’homme est immortel : on l’a appelé la révolte des animaux. Car, éprouvant du dépit pour les avantages que les hommes avaient sur eux, les animaux récriminèrent contre Dieu et la chose en arriva à ce dernier. En effet, l’homme envoya deux messagers au bon Dieu, le chien et le bouc. Le chien était l’un des fidèles serviteurs de l’homme qui avaient approuvé le plan de Dieu ; le bouc était dans le groupe des rebelles, des insoumis, des plaignants. L’homme les envoya donc avec deux messages contradictoires. Le chien était chargé de dire à Dieu que le monde entier approuve son plan et accepte à cœur joie que l’homme ne meure pas. Le bouc devrait lui dire juste le contraire, c’est-à-dire que le monde entier s’oppose à cette discrimination. L’homme comptait tellement sur son compagnon le chien tant la vitesse qui est la sienne le rassurait. De fait, étant plus rapide que le bouc, il devait arriver le premier chez Dieu avant le contre-messager. Et de fait, ils partirent à un signal commun et le chien prit largement de l’avance sur son adversaire le bouc. Mais, chemin faisant, le chien, passant auprès de la maison d’une vieille sorcière, remarqua que celle-ci cuisait quelque chose au feu. Le repas sentait bon et n’aurait pu être que d’une viande grasse. Il s’offrit là une longue pause dans l’espoir de profiter des os qui resteraient de la table de la vieille. Rien ne sert de courir, dit la locution proverbiale, il faut partir à point. Le bouc huila les pieds, devança le chien, arriva le premier, livra son message à Dieu et celui-ci le grava dans son livre d’or. Il l’inscrivit en ces termes : "Dorénavant, les hommes mourront, eux-aussi". Quand l’hôtesse du chien s’aperçut que le bouc avait déjà accompli sa mission, elle libéra sa marmite des cailloux qui la contenaient. Le chien comprit que ce n’était là qu’un jeu. Il se leva donc et le reprit sa cours inégalable. Mais c’était trop tard. Lorsqu’il arriva, Dieu lui dit : "Je ne reviens pas sur mes paroles. Mon crayon n’a pas d’effaceur". Ni par manquement au droit ni par manquement à la raison, le proverbe n’a pu se tromper. Oui, il faut savoir faire les choses au bon moment, sans quoi, le temps perdu ne se rattrape plus. Par ailleurs, pour répondre à la requête de ceux qui rouspétaient contre le régime commun, Dieu permit la jungle ; il admit que ceux qui sont garnis de crocs et de serres puissants mangent les faibles, si c’est là qu’ils trouveront satisfaction. C’est ainsi que certains animaux comme le loup, le lion et l’aigle devinrent coup sur coup carnivores dévorants sans merci les autres animaux. L’homme quant à lui a commencé à agrémenter sa nourriture avec des poissons et la viande les petits animaux parce qu’il n’avait pas de dents aussi dures pour dévorer les gros bétails. C’est lorsqu’il a découvert le feu et le système de cuisson qu’il est devenu omnivore impénitent trouvant tout susceptible à remplir la panse. Aussi, Dieu s’éloigna-t-il du monde des mortels et pour remédier un tant soit peu au fossé creusé, il créa le monde invisible qu’il peupla d’esprits, de génies et de bons morts. Il a assigné à ces derniers le rôle de servir de pont entre les hommes et lui. 

        En un mot, l’ambiance originelle était bonne et irréprochable. Les difficultés ont commencé seulement lorsque la création s’est rebellée et à désobéi à l’ordre établi par Dieu, lorsqu’elle s’est dite insatisfaite et lésée par le plan divin. Les conséquences ne tardèrent pas à surgir : calamités, aléas climatiques, désertification, famine, et pire la mort et l’éloignement de Dieu. Cela donna également lieu à la création d’un monde invisible par lequel l’homme désormais pourra entrer en communication avec Dieu.



02/02/2013
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