surgeetambula Marc KOLANI

LA QUESTION DE LA JUSTE REMUNERATION ET LE PATRONAT CHRETIEN CATHOLIQUE DU TOGO

LA QUESTION DE LA JUSTE REMUNERATION ET LE PATRONAT CHRETIEN CATHOLIQUE DU TOGO

 

1- Ce que disent les Lois du Travail du Togo

1.1- Le Code du Travail du Togo[1]

Au titre V, traitant du salaire, le Code stipule : Par salaire, il faut entendre, quels qu’en soient la dénomination et le mode de calcul, le salaire de base ou minimum et tous les autres avantages, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur, en raison de l’emploi de ce dernier, et fixés par les dispositions conventionnelles ou réglementaires[2]. Autrement dit, Le salaire, nous avons opté pour le terme rémunération, est l’ensemble du salaire minimum et des avantages que l’employeur paye au travailleur conformément aux dispositions conventionnelles ou réglementaires. En ce qui concerne la manière de payement, point de discrimination par rapport au sexe, à la nationalité, à l’âge ou au statut. Le texte le dit mieux : Tout employeur est tenu d’assurer, pour un même travail ou un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les salariés, quels que soient leur nationalité, leur sexe, leur âge ou leur statut[3]. En ce qui concerne la valeur de la rémunération, le SMIG doit être fixé par le ministère chargé du travail et tiendra compte aussi bien de la situation économique du pays que des besoins des travailleurs, comme il a été codifié : Les salaires manima interprofessionnels garantis sont fixés par arrêté du ministre chargé du travail après avis du Conseil National du Travail. Dans la détermination du taux des salaires minima interprofessionnels garantis, il doit être tenu compte notamment des besoins des travailleurs et de leur famille, du niveau général des salaires dans le pays, du coût de la vie et ses fluctuations, des prestations de sécurité sociale, des facteurs d’ordre économique, des exigences du développement économique, de la productivité et du niveau de l’emploi[4]. Aussi, la rémunération dans tout secteur devrait être fixée de manière à procurer au travailleur le nécessaire pour une vie digne et à ce que les revenus soient les mêmes pour un même travail quel que soit le secteur dans lequel se trouve le travailleur. La rémunération d’un travail à la tâche ou aux pièces doit être calculée de telle sorte qu’elle procure au travailleur de capacité moyenne et travaillant normalement, un salaire au moins égal à celui du travailleur rémunéré au temps effectuant un travail analogue[5].

 

1.2- Le contenu de la Convention Collective Interprofessionnelle du Togo[6]

En plus de la rémunération, le travailleur jouit de certaines faveurs et avantages dans sa condition de travail qui lui doivent lui permettre d’évoluer sur le plan professionnel. C’est dans ce sens que le titre IV portant rémunération et classification engage à reconnaître au travailleur les droits suivants : promotion, formation professionnelle, dédit de formation, avancements et reclassement, salaire lié à l’emploi le mieux rémunéré dans le cas d’emplois multiples[7]. Relativement aux bulletins de paye, il est dit : les bulletins doivent être rédigés de telle sorte qu’apparaissent clairement les différents éléments de la rémunération, la catégorie professionnelle, la nature de l’emploi occupé. Seront obligatoirement prélevées à la source et mentionnées sur les bulletins de paye, les retenus pour cotisations sociales et fiscales prévues par la législation en vigueur »[8]. Concernant les rémunérations et primes diverses, le chapitre II donne la liste suivantes : rémunération des heures supplémentaires, service en poste à fonctionnement continu, indemnité de déplacement, prime de panier, prime d’ancienneté, fourniture de logement, repas et cantine[9]. Ainsi, la rémunération doit nécessairement contenir les différentes primes accordées au travailleur.

 

2- Les faits au niveau du patronat chrétien catholique

Très souvent, les prestations de service dans le secteur confessionnel catholique sont bien appréciées par les bénéficiaires et tout le monde, de toutes conditions sociales et de toute religion y accourt pour demander des services. Education intégrale dans les écoles, accueil chaleureux dans les centres de santé et autres services détenus par l’Eglise, ambiance fraternelle entre les travailleurs d’abord et avec leurs employeurs. Voilà qui caractérise le domaine catholique. De tels atouts devraient normalement donner envie de travailler dans un tel secteur. Mais, c’est loin d’en être le cas.

Au contraire, on entend parfois parler des grèves des enseignants catholiques ; il y a toujours des départs pour le secteur public ou le secteur informel ; il y en a qui attendent de trouver mieux ailleurs pour partir ; il n’est pas rare d’entendre dire : « la modicité de la rémunération ne nous donne pas le courage de vouloir faire carrière dans l’école catholique ». Et c’est là le nœud du dégoût pour se faire engager comme salarié de l’Eglise catholique.

En effet, il est reconnu partout au Togo que les salariés du patronat catholique pour la plupart, ne jouissent pas des mêmes prérogatives et des mêmes traitements que leurs collègues du public avec qui ils ont même formation et même niveau d’étude. Lorsque quelqu’un dit être par exemple enseignant dans une école catholique, ses interlocuteurs s’en apitoient. Lorsqu’un ami, sorti fraichement d’une école d’agents de santé demande du travail dans un centre de santé dirigé par les religieux (ses), son entourage comprend que c’est parce qu’il n’a pas trouvé mieux ailleurs. Ainsi, personne ne s’étonne de les voir à l’affut des concours de recrutement organisés par l’Etat ou les ONG. En fait, le patronat catholique est réputé payer des salaires en deçà du SMIG dûment fixé par le ministre chargé du travail en fonction des conditions économiques et des besoins des travailleurs. C’est ainsi qu’il est des écoles catholiques dont les enseignants perçoivent un salaire mensuel compris entre 15000f  et 25 000f cfa, en tout cas, moins que le salaire de base au Togo qui est de 35 000f cfa alors que dans le secteur public, quel que soit le niveau leurs collègues perçoivent un salaire supérieur ou égal au SMIG. La situation des secrétaires, des agents de santé et les autres employés n’en est tellement différente. Leur salaire tourne autour de 30 000f cfa. La rémunération accordée aux  cuisiniers, blanchisseurs et gardiens, dans les presbytères et communautés religieuses est encore plus drastique. Le plus souvent, ils travaillent sans aucun contrat si bien que leur revenu leur est remis de main à main sans nécessiter de bulletin de paye.

Les avantages parallèles, s’il y en a, sont tellement dérisoires qu’on ne saurait en faire une évaluation. La fixation du salaire est régie non conformément aux dispositions conventionnelles et réglementaires en vigueur dans le pays, mais, unilatéralement de l’employeur et de ses moyens. Dans de telles conditions, quels que soient les avantages sociaux que le salarié perçoit, il ne pourra réussir à conserver une situation financière équilibrée afin de s’entretenir, prendre soin de sa famille, épargner. On sait aussi que pour la plupart des cas, ces travailleurs doivent se loger eux-mêmes, payer leur déplacement, se soigner et soigner les leurs.

Voilà décrite en quelques lignes la condition des travailleurs engagés par l’Enseignement catholique, les œuvres, les presbytères, les paroisses et les communautés religieuses. A la vérité, elle n’est ni viable ni enviable. Analysons cette situation à l’aune des normes juridiques afin de la mieux apprécier.

 

3- L’analyse des faits

Lorsque nous mettons en parallèle ce que les lois en vigueur – le Code Du Travail et la Convention Collective Interprofessionnelle – prescrivent en parallèle avec les faits sus-énumérés, il frappe à l’œil que le patronat catholique du Togo est loin d’être dans les normes. Certes, ce secteur regorge bien des avantages surtout sur le plan humain si bien que tous voudraient y être servis, mais sans y servir. Le travail se fait avec tous les soins possibles, le matériel nécessaire est le plus souvent disponible et de bonne qualité, les relations entretiennent beaucoup de chaleur, l’autorité dirige dans l’esprit de collaboration, les salaires sont réguliers, etc. Mais tous ces avantages ne s’effondrent devant les autres conditions juridiques mal assumées, et spécialement devant la rémunération non équitable.

En effet, au lieu que la rémunération soit fixée en fonction des dispositions conventionnelles ou réglementaires en vigueur, le patronat catholique en dispose à sa manière.

Et du coup, le salaire, pour beaucoup d’employé ne tiennent pas compte du SMIG qui devait être le salaire de base de chaque travailleur dûment engagé, étant donné que ce seuil de rémunération se décide par rapport à la situation économique et aux besoins de travailleurs.

En conséquence, le revenu mensuel ne permet pas au salarié de vivre dignement avec les siens. Et il se sait triché car ceux avec qui il exerce le même travail et qui sont payés par l’Etat perçoivent un salaire plus grand.

Par ailleurs, d’autres travailleurs exercent sans contrat dûment signé si bien que la manière de les rémunérer ne nécessite même pas un bulletin de paye qui devrait, dans les conditions normales, répartir les revenus en plus du salaire de base.

L’analyse des faits montre clairement que la question de la juste rémunération est à la traîne au niveau du patronat catholique du Togo. Quelles peuvent en être les causes ?

 

4- Les causes sous-jacentes de la mauvaise rémunération du patronat catholique.

Les causes de la mauvaise rémunération dans le secteur confessionnel catholique sont diverses. En  voici les plus fondamentales[10] :

   D’abord, pour les secteurs de travail d’intérêt national, comme les écoles et les centres de santé, le patronat chrétien catholique bénéficie des subventions de l’Etat. Mais, ces aides ne suffisent pas pour couvrir toutes les dépenses de fonctionnement. Ainsi, les recettes –  comme l’écolage et les bénéfices de la vente des médicaments –  et l’aide directe de l’Eglise locale constituent la seconde source pour tout le budget devant servir tant au fonctionnement local qu’à la paye des employés et à l’entretien des structures immobilières. En voici un témoignage : dans l’état actuel des choses, depuis 1970, l’enseignement confessionnel (catholique et protestant) vit sous le régime des subventions pour les salaires des enseignants des écoles catholiques et protestants. L’Etat prévoit dans son budget une subvention globale allouée à l’enseignement confessionnel catholique et protestant, qu’il gère lui-même. Une grande partie de cette subvention est destinée à payer les salaires des enseignants des écoles primaires catholiques et protestantes et cela, par virement directe du salaire de l’enseignant sur son compte bancaire effectué par les services du trésor de l’Etat. Un petit montant est destiné aux établissements d’enseignement secondaire confessionnel catholique et protestant[11] (….). Le service de la Direction Nationale de l’Enseignement Catholique ne bénéficie d’aucune aide financière de l’Etat pour son fonctionnement et autres frais. Aussi, pour permettre à ce service national de pouvoir faire face aux frais de son fonctionnement, des activités des formations pédagogiques et des diverses obligations qui lui incombent, chaque Direction Diocésaine verse à la DNEC[12] une cotisation prélevée sur les écolages perçus, et cela, à raison d’un montant minimal par élève retenu d’accord avec "les organes consultatifs"[13].

Pour dire bref, l’insuffisance des moyens dont dispose le patronat catholique est l’une des causes qui entravent le principe de la juste rémunération des travailleurs.

    Ensuite, pour le salaire des ouvriers dont le travail génère quelques revenus – magasins de ventes, libraires, ateliers d’artisanat – le salaire est souvent fixé par rapport aux bénéfices qui en ressortent. Or, en plus des salaires, ces mêmes recettes doivent pourvoir à l’approvisionnement de la marchandise, payer les taxes et les diverses factures de consommation. En fin de compte, le bénéfice devient dérisoire et du coup, les conséquences rejaillissent sur les salaires.

L’autosuffisance non effective, voila une autre cause qui joue aux dépens de la rémunération équitable dans le secteur confessionnel catholique.

    Enfin, les prêtres et les religieux (ses) doivent faire face aux besoins d’un personnel pour des services auxquels leurs tâches quotidiennes ne permettent de se vaquer : cuisine, lingerie, entretien des locaux…. Or, ils ne sont pas salariés, même s’ils perçoivent "un pécule" à la fin du mois, même s’ils obtiennent des aides ordinaires de la paroisse ou de l’institue dont ils / elles appartiennent, selon qu’ils sont prêtres ou religieux (ses). Ces revenus symboliques devraient donc servir à assurer la popote, les soins, la paye des factures d’eau, de téléphone, d’électricité et le salaire de toutes les personnes affectées à leur service. Ainsi, les charges étant grandes et variées, les employeurs se retrouvent dans l’obligation de jouer avec la politique de leurs moyens.

Une autre cause non moins importante, c’est que les revenus des employeurs sont loin de pouvoir faire face à la grandeur et à la diversité des charges auxquelles sont affectés les employés.

 

 CHERS AMIS LECTEURS, MERCI DE BIEN VOULOIR DONNER VOS AVIS SUR LA QUESTION

 

[1] Il s’agit de la Loi n° 2006-010 du 13 décembre 2006, portant Code Du Travail

 

[2]  République togolaise, Code Du Travail, éditogo, Lomé, 2006. art. 117

 

[3] Ibidem, art. 118

 

[4] Ibidem, art. 121

 

[5] Ibidem, art. 122

 

[6] République Togolaise, Convention Collective Interprofessionnelle du Togo, entre le Conseil National du Patronat du Togo « CNP-TOGO », regroupant les organisations et associations professionnelles du secteur privé d’une part ; et les centrales syndicales suivantes : la confédération Générale de Cadres du Togo « CGCT », la Confédération Nationale des Travailleurs du Togo « CSTT », le Groupement des Syndicats Autonomes « GSA », l’Union Générale des Syndicats Libres « UGSL », l’Union Nationale des Syndicats Indépendants du Togo « UNSIT » d’autre part, éditogo, Lomé, décembre 2011.

 

[7] Convention Collective Interprofessionnelle du Togo, art. 26-30

 

[8] Ibidem, art. 31

 

[9] Ibidem, art. 32-39

 

[10] - Nous avons entrepris une enquête sur la cause de l’insuffisance des salaires. Les résultats ne nous pas encore parvenus. Nous espérons pouvoir en recueillir beaucoup d’informations afin d’améliorer cette liste combien restrictive.

 

[11] - Statut et règlement intérieur de l’enseignement catholique du Togo, art. 21, n°1-4.

 

[12] Direction Nationale de l’Enseignement Catholique

 

[13] - Statut et règlement intérieur de l’Enseignement Catholique du Togo, art. 22

 

CHERS AMIS LECTEURS, MERCI DE BIEN VOULOIR DONNER VOS AVIS SUR LA QUESTION.



03/02/2013
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